Quand j’étais à l’université, j’avais un professeur, M. Joseph, qui parlait de «métro-boulot-dodo.» M. Joseph était un homme très petit avec une grande touffe de cheveux gris au-dessus de la tête et des poils qui sortaient de ses oreilles. Ironiquement, il n’était pas Parisian. Il venait du Midwest, de l’Iowa peut-être? Mais c’est une autre histoire . . .
Alors, l’expression métro-boulot-dodo signifie la routine quotidienne d’aller travailler, rentrer chez soi et de dormir pour les travailleurs urbains. Ce qui m’intéresse c’est l’origine de cette expression. Elle vient d’un poème de Pierre Béarn « Couleurs d’Usine », paru en 1951.
Au déboulé garçon pointe ton numéro
Pour gagner ainsi le salaire
D’un énorme jour utilitaire
Métro, boulot, bistrot, mégots, dodo, zéro.
Je veux rester libre de vivre
À la lumière de mon coeur
Seul s’il le faut
Et les mains vides
Rêvant à l’Humanité sauvée des langages.
Je souffre en ma santé de n’être que poussière,
La vie flétrie de l’ombre irrite mon tourment,
Je voudrais apporter aux hommes la lumière!
Je rêve de crisper sur la laideur mes mains
Pour accoucher la nuit de ses giclées de monstres
Et réveiller le Dieu qui manque à son Destin.
Mais que peut le poète éjecté du troupeau
Semblable à la clarté fuyante d’un orage
Et qui zèbre la nuit sans arracher sa peau?
Sur le monde avili si je posais mes mains
Pour accoucher la nuit de ses giclées de monstres
J’enfanterais un Dieu privé de son Destin.
Que dansent le Mépris, la Haine, la Vengeance!
Flammes du feu malsain cernez mon incendie!
Le sacrifice est vain puisque tout recommence.
Je souffre en ma santé des maladies humaines,
Du refus d’un miracle à l’ombre de mes mains,
De n’être en ce bourbier que peine entre les peines.